L’éthique à l’écoute des neurosciences de Bernard Baertschi Les Belles Lettres (2013)
Le livre de Bernard Baertchi renouvelle la réflexion sur l’éthique en s’intéressant aux liens passionnants entre éthique, morale et neurosciences.
Comment les récentes recherches en neurosciences éclairent-elles notre compréhension sur la morale, les émotions qui sous-tendent nos comportements et nos jugements moraux ? L’imagerie cérébrale permettrait-telle d’élucider les logiques neurologiques de nos conduites morales ? Comment l’étude du fonctionnement neuronal des psychopathes et des autistes renouvelle-t-elle notre compréhension de la morale ? Existe-t-il des êtres humains incapables de moralité ? Quelles conséquences philosophiques et éthiques en tirer ? Qu’est-ce que la neuroscience peut nous apporter dans notre compréhension scientifique et morale de la triche et du mensonge ?
Bernard Baertchi, tout en pointant les dérives scientistes d’une approche de l’éthique exclusivement interprétée à l’aune des neurosciences, réinterroge pour autant, grâce aux travaux de cette discipline, les thématiques traditionnelles de la philosophie morale (les dilemmes du tramway fou, l’opposition entre déontologisme et utilitarisme, etc…).
La partie la plus intéressante du livre porte sur les questions relatives aux améliorations morales. En effet, nos jugements et comportements moraux sont liés étroitement à nos émotions. Une conduite morale suppose une certaine maîtrise des émotions et le fait d’éprouver les émotions de façon la plus appropriée possible face aux situations.
Les connaissances actuelles en neurosciences permettent d’envisager de modifier ces émotions artificiellement (en utilisant de l’ocytocine et de la sérotonine par exemple) et cela directement dans l’optique de « corriger » intentionnellement certains jugements ou certaines conduites morales.
Les balbutiements de cette « médicalisation de nos conduites morales » posent de graves questions éthiques : existe-t-il des pathologies propre à la morale ? Est-il légitime de viser à une « restauration » artificielle de la santé morale ? Ces techniques ne seraient-elles pas des menaces sur la liberté des sujets ? Faut-il craindre une clinique normative de la morale et une médicalisation des conduites morales ?
Aurélien Dutier
Chargé de mission, EREPL